Tous les témoignages que j’ai pu lire sont concordants: A peine les soldats Français sont-ils capturés qu’ils sont soumis par les Prussiens, généralement soutenus par leurs hiérarchies, aux mauvais traitements, au rançonnement, aux coups, aux privations de nourriture, d’eau, d’hygiène élémentaire, aux brimades diverses .
Les trajets vers les camps de prisonniers se font à pied, ou en wagons à bestiaux, selon les opportunités. La soif et la faim sont alors omniprésentes. Il s’agit de toute évidence pour les vainqueurs de tuer dans l’œuf toute velléité de résistance des vaincus. Ces hommes capturés vont devoir abandonner tout de suite l’espoir d’être traités comme des êtres humains, et oublier leur idéal de justice et de dignité. Les Allemands ont un profond mépris pour les prisonniers Français "Ein Volk von Knechtseelen ! « Un peuple à l'âme de valets », selon les termes employés en 1917 par le quotidien Frankfurter Zeitung. (S1)
Selon les camps, et les affectations auxquelles les prisonniers sont envoyés, les conditions de détention peuvent être assez variables. Les affectations les plus enviées sont l’envoi vers des fermes où l’on jouit d’une relative « liberté » et surtout où l’on mange à sa faim. Les destinations les plus redoutées sont les mines, le creusement de canaux ou l’assèchement des tourbières. Là, la discipline est toujours sévère, elle est souvent cruelle et inhumaine. Le traité de Genève y est systématiquement ignoré, ou contourné.
C’est au camp de Minden en Westphalie, que mon grand-père débarque après un passage par celui de Mannheim.. Bien que sa construction soit récente (septembre 1914), ce camp acquiert très rapidement une réputation déplorable.
Parlant de la différence entre Minden et quelques autres camps de réputation plus douce, un inspecteur de ces camps disait « The difference between day and night, between heaven, relatively, and hell absolutely » (S2). Ni sanitaires, ni chauffage, ni soins, nourriture insuffisante. Hommes de troupe et sous-officiers sont d’abord occupés à achever la construction du camp, puis envoyés en « Kommandos » pour assécher les marais, creuser le Mittellandkanal, construire des voies de chemin de fer, ou travailler dans les mines de Zeche Hugo.
L’un des commandants du camp, Karl Neimeyer, était tellement détesté qu’un prisonnier disait de lui que même son chien ne l’aimait pas !(S2)
Les seuls liens qui rattachaient mon grand-père à sa « vie d’avant » étaient le courrier, et les colis envoyés par ma grand-mère. Mais les lettres étaient censurées, et les colis allégés de tout ce qui pouvait intéresser les gardiens…
Arguant que son grade de sergent le dispensait du travail obligatoire, mon grand-père
refusa obstinément de participer à ces travaux. En représailles, il finira par être
« muté » à Grodno, camp disciplinaire situé en Bielorussie, où il arrivera le… 1er
mai 1915.
…
Sources
(S1) http://arbrebaz.free.fr/Documents/PrisonniersAB.html
(S2): http://www.prisonersofwar1914-1918documents.com/downloads---section-1.php